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Médiévalisme et Orientalisme – Quelques repères croisés

Avertissement : Les quelques considérations qui suivent ne constituent en aucun cas un travail achevé…

Introduction

Edmond Dulac – Shéhérazade (1911)

Pourquoi n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poète, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout : fraîches promenades d’orangers le long d’une rivière ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées ; labyrinthes d’édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais, hospices, couvents, casernes, tous divers, tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux ; là-bas, le vieux gibet permanent, dont la pierre est vermoulue, dont le fer est rouillé, avec quelque squelette qui craque au vent ; au centre, la grande cathédrale gothique avec ses hautes flèches tailladées en scies, sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs, sa frise à jour comme une collerette, ses solides arcs-boutants si frêles à l’œil ; et puis, ses cavités profondes, sa forêt de piliers a chapiteaux bizarres, ses chapelles ardentes, ses myriades de saints et de châsses, ses colonnettes en gerbes, ses rosaces, ses ogives, ses lancettes qui se touchent à l’abside et en font comme une cage de vitraux, son maître-autel aux mille cierges ; merveilleux édifice, imposant par sa masse, curieux par ses détails, beau à deux lieues et beau à deux pas ; – et enfin, à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores et les palmiers, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ?

Certes, ce n’est pas l’auteur de ce livre qui réalisera jamais un ensemble d’œuvres auquel puisse s’appliquer la comparaison qu’il a cru pouvoir hasarder. Toutefois, sans espérer que l’on trouve dans ce qu’il a déjà bâti même quelque ébauche informe des monuments qu’il vient d’indiquer, soit la cathédrale gothique, soit le théâtre, soit encore le hideux gibet ; si on lui demandait ce qu’il a voulu faire ici, il dirait que c’est la mosquée.

Il ne se dissimule pas, pour le dire en passant, que bien des critiques le trouveront hardi et insensé de souhaiter pour la France une littérature qu’on puisse comparer à une ville du moyen-âge. C’est là une des imaginations les plus folles où l’on se puisse aventurer. C’est vouloir hautement le désordre, la profusion, la bizarrerie, le mauvais goût. Qu’il vaut bien mieux une belle et correcte nudité, de grandes murailles toutes simples, comme on dit, avec quelques ornements sobres et de bon goût : des oves et des volutes, un bouquet de bronze pour les corniches, un nuage de marbre avec des têtes d’anges pour les voûtes, une flamme de pierre pour les frises, et puis des oves et des volutes ! Le château de Versailles, la place Louis XV, la rue de Rivoli, voilà. Parlez-moi d’une belle littérature tirée au cordeau !

En y réfléchissant, si cela pourtant vaut la peine qu’on y réfléchisse, peut-être trouvera-t-on moins étrange la fantaisie qui a produit ces Orientales. On s’occupe aujourd’hui, et ce résultat est dû à mille causes qui toutes ont amené un progrès, on s’occupe beaucoup plus de Orient qu’on ne l’a jamais fait. Les études orientales n’ont jamais été poussées si avant. Au siècle de Louis XIV on était helléniste, maintenant on est orientaliste. Il y a un pas de fait. Jamais tant d’intelligences n’ont fouillé à la fois ce grand abîme de l’Asie. Nous avons aujourd’hui un savant cantonné dans chacun des idiomes de l’Orient, depuis la Chine jusqu’à l’Égypte.

Il résulte de tout cela que l’Orient, soit comme image, soit comme pensée, est devenu, pour les intelligences autant que pour les imaginations, une sorte de préoccupation générale à laquelle l’auteur de ce livre a obéi peut-être à son insu. Les couleurs orientales sont venues comme d’elles-mêmes empreindre toutes ses pensées, toutes ses rêveries ; et ses rêveries et ses pensées se sont trouvées tour à tour, et presque sans l’avoir voulu, hébraïques, turques, grecques, persanes, arabes, espagnoles même, car l’Espagne c’est encore l’Orient ; l’Espagne est à demi africaine, l’Afrique est à demi asiatique…

Victor Hugo, Les Orientales, Préface, in Œuvres complètes de Victor Hugo. Poésie, tome I, Paris, 1912, p. 615-620.

L’inspiration pour le thème de cette année m’est venue à la lecture de cette préface des Orientales de Victor Hugo, publiées en 1829. On voit bien là à quel point, d’une part, l’Orient a « envahi » la culture européenne du début du xixe siècle et, d’autre part, le lien avec le Moyen Âge, merveilleusement représenté par la description d’une ville espagnole médiévale, par le poète. La référence principale est bien ici à un Orient médiéval avant tout islamique, même si le poète évoque aussi d’autres horizons scientifiques comme celui de la Chine.

D’aucuns ont évoqué le romantisme comme une « Renaissance orientale », expression tirée du Génie des religions d’Edgar Quinet (1803-1875), publié en 1841 (Schwab 1950 – pour les références complètes, voir la bibliographie ci-dessous) ; mais il est aussi le mouvement qui a donné au médiévalisme moderne toute son ampleur (Matthews 2015). Toutefois, ce n’est pas le romantisme qui a « inventé » les parallèles entre le Moyen Âge et l’Orient : les racines en remontent au xvie siècle. En creusant un peu, ce qui n’est pas si simple car les études sur ces rapports sont finalement assez peu nombreuses, on s’aperçoit, en effet, qu’il est possible d’esquisser une histoire croisée de ces deux notions depuis le début de l’époque « moderne » – je ne m’attarderai pas ici sur la manière dont les médiévaux percevaient l’Orient, sujet fort vaste en lui-même. L’année dernière, j’avais insisté sur la question des temporalités multiples du médiévalisme mais la question des spatialités se pose aussi, renvoyant à une vision de ces passés immobiles que seraient à la fois le Moyen Âge et l’Orient (Ganim 2005).

Mais de quel Orient parle-t-on ?

La question est d’actualité et les enjeux politiques contemporains sont importants, au regard des débats sur le « choc des civilisations » théorisé par Samuel Huntingdon et le discours de la croisade, au sens foucaldien du terme, qui ont produit des visions fondamentalement négatives à la fois du Moyen Âge et de l’Orient, ce dernier étant ramené à un Orient musulman hostile (Carpegna Falconieri 2015). Je n’y insisterai pas ici, laissant à Annliese Nef le soin d’évoquer « les usages contrastés du passé islamique de l’Europe » le 20 mars prochain.

Edward Said, dans son livre fondateur de 1978, a en effet construit une critique en règle de l’Orientalisme conquérant, en s’attachant principalement à l’Orient musulman, j’y reviendrai dans le premier point ; mais l’Orientalisme n’est cependant pas « que » cela, comme l’ont souligné par exemple des spécialistes de l’Extrême-Orient (cf. Kober 2014 ; toutefois, je ne l’envisagerai pas pour le moment) ; tout comme le médiévalisme, ses définitions sont multiples et mouvantes.

Il n’est pas question de faire ici une histoire complète des perceptions de l’Orient par l’Europe moderne, cela dépasse le cadre de ces propos. Il s’agit de tracer à très grands traits, grâce à quelques repères clés, une histoire croisée de l’orientalisme et du médiévalisme du xvie siècle au début du xxe siècle – les séances suivantes portant surtout des périodes plus contemporaines – pour l’essentiel en Grande-Bretagne et en France (l’analyse des autres pays, en particulier l’Allemagne, étant au-delà de mes compétences). Il s’agira de dégager quelques lignes de crête méritant, me semble-t-il, une comparaison.

Comme j’avais tenté de le faire en 2019 pour la seule notion de médiévalisme, il est à mon sens nécessaire d’analyser les multiples visages de phénomènes à la fois culturels, politiques et sociaux dans leurs contextes historiques, mais aussi les dynamiques et les interactions entre ces différents aspects, dans le cadre de temporalités multiples et parfois concomitantes. Or, deux choses sont frappantes : d’une part, je l’avais noté, les différentes déclinaisons du concept de médiévalisme possèdent pratiquement toutes une dimension éminemment politique et sociale, même si elles sont avant tout exprimées par des productions culturelles – au sens le plus large du terme. D’autre part, il en est de même pour l’orientalisme…

Mon propos se déroulera en trois parties : il faut tout d’abord évoquer à grands traits quelques problèmes de définition, principalement pour l’orientalisme ; une deuxième partie portera sur les xviexviiie siècles et la troisième partie sera consacrée au romantisme du xix>e siècle, âge d’or du médiévalisme comme de l’orientalisme, tant dans leurs aspects culturels que politiques. Il s’agira de s’interroger, notamment, sur la nature de cet Orient rêvé par Victor Hugo et tant d’autres et d’analyser la manière dont il renvoie à, ou est utilisé pour, des usages politiques durant le grand siècle de colonisation que fut le xixe siècle, en relation avec le Moyen Âge lui aussi rêvé.

I. Des définitions flottantes

1. Court rappel sur le médiévalisme

En 2019, j’avais consacré une grande partie de la première séance de mon introduction générale aux problèmes de définition du médiévalisme. Je n’en rappellerai que quelques traits majeurs en lien avec la question de l’Orient.

Il existe un certain consensus sur le fait que le médiévalisme a été « inventé » en Angleterre. Selon l’Oxford English Dictionary, la première mention du terme date des années 1840 et c’est sans doute dans le monde anglophone que ce concept et ses différentes manifestations sont les plus déployées. Mais ce concept se caractérise avant tout par son évanescence et sa densité polysémique, de même que, comme le souligne Stephanie Trigg, « le médiéval n’est pas une entité simple, homogène, mais plutôt une gamme de possibilités » (Once and Future Medievalism). À peu près tous ceux qui se sont risqués à définir le médiévalisme sont d’accord sur ce point – même s’ils sont en désaccord sur tout le reste… Les définitions du médiévalisme, tout comme celles de l’orientalisme, sont nombreuses.

2. Orientalismes

Je m’aventure ici dans des contrées qui me sont moins familières. Comme le médiévalisme, le terme est en vogue dans les années 1820-1840, en France comme en Angleterre, même s’il apparaît au xviie siècle. Le mot renvoie, au moment où il se diffuse, à deux phénomènes à la fois distincts et proches, de la même manière que pour le médiévalisme : la « Science qui a pour objet les langues et les civilisations orientales » d’une part et le « Goût pour ce qui touche à l’Orient » d’autre part (Trésor de la langue française). Mais on ne peut aujourd’hui faire l’économie de la définition – ou plutôt des définitions – donnée par Edward Said (1935-2003) dans son ouvrage à la fois fondateur et contesté, Orientalism, paru pour la première fois en 1978 et réédité en 2003 avec une nouvelle préface. C’est un livre fondateur et contesté parce qu’il est l’un des pionniers du mouvement post-colonial, et un livre militant assumé comme l’auteur le rappelle dans sa préface de 2003. Said donne en fait plusieurs définitions de l’orientalisme :

Par Orientalisme, j’entends plusieurs choses, qui sont toutes, selon moi, interdépendantes. La désignation la plus facilement acceptée pour l’Orientalisme est académique […]. Il y a, relié à cette tradition académique, un sens plus général de l’Orientalisme. L’Orientalisme est un style de pensée fondée sur une distinction ontologique et épistémologique effectuée entre “l’Orient” et (la plupart du temps) “l’Occident” (p. 2-3).

On le voit, ces différentes définitions peuvent être mises en parallèles avec celles du médiévalisme « classique »… mais Said va encore plus loin en qualifiant :

L’Orientalisme comme une attitude occidentale pour dominer, restructurer et avoir de l’autorité sur l’Orient. […] J’affirme que, si l’on n’examine pas l’Orientalisme comme un discours, on ne peut véritablement comprendre la discipline énormément systématique par laquelle la culture européenne a été capable de gérer – et même de produire – l’Orient, politiquement, sociologiquement, militairement, idéologiquement, scientifiquement et de manière imaginée durant la période post-Lumières. […] En bref, à cause de l’Orientalisme, l’Orient n’était pas (et n’est pas) un sujet libre de pensée ou d’action (p. 3).

On pourrait peut-être rapprocher cette définition éminemment politique du néomédiévalisme idéologique évoqué plus haut, mais dans une direction radicalement opposée. Quoi qu’il en soit, Said a surtout été critiqué pour n’avoir pris en compte, pour l’essentiel, que le Proche-Orient, dont il est lui-même originaire, et d’avoir réduit dans cette étude par ailleurs minutieuse la relation entre Orient et Occident à l’impérialisme de ce dernier. Cette dimension est pourtant cruciale, il faut en convenir. Récemment, David Vinson a par exemple rappelé à propos des récits de voyages en Orient, particulièrement nombreux aux xviiie et xixe siècles, qu’ils s’articulent « autour d’un imaginaire collectif créé de toute pièce par l’Europe triomphante, […] l’Orient, là encore pour l’essentiel le Proche et Moyen-Orient, incarnant d’une part le despotisme et l’ignorance et d’autre part la sensualité et le pittoresque, bref, l’inverse immobile et éternel (mais en fait antique et médiéval pour l’essentiel), dans l’un et l’autre cas, d’un Occident « moderne » (Vinson 2004).

Toutefois, malgré l’importance de ces représentations, il existe d’autres conceptions de l’orientalisme, qui ne peut être réduit à l’Orient « proche » ou, autrement dit, pour l’essentiel au monde musulman. En 1950, René Schwab a intitulé sa somme monumentale sur l’histoire de l’orientalisme dans ses dimensions culturelles La renaissance orientale que serait le romantisme au tournant des xviiie et des xixe siècles. Mais cette renaissance est, avant tout pour lui, de nature spirituelle, au contact non de l’Orient proche, mais de celui du monde indien. Elle correspond, nous y reviendrons dans le premier point de la troisième partie, à la découverte des langues de l’Inde par les Européens (à commencer par le sanskrit) ainsi que de textes indiens qui auraient permis de méditer à nouveau frais sur l’exigence de spiritualité dans un monde moderne perçu comme dangereux par les romantiques.

Enfin, on peut s’interroger sur l’existence d’un orientalisme de l’Extrême-Orient, même si je ne développerai pas plus avant (ce sera pour une autre fois). Dans un article de 2014, Marc Kober s’est par exemple demandé « Pourquoi l’Orientalisme d’Edward Said n’est-il pas un japonisme ? » Il définit ce dernier, un phénomène fondamentalement français, comme « l’étude organisée de la société et de l’art japonais » (p. 98), suite à l’ouverture de l’archipel au reste du monde en 1853 mais, selon Kober et d’autres, « le Japon se serait lui-même chargé de sa communication » et l’orientalisme occidentale ne l’aurait pas atteint, au moins dans la seconde moitié du xixe siècle et dans les premières décennies du xxe. Ces considérations nuancent donc en partie les propos de Said, dont la thèse, si elle reste fondamentale, doit être adaptée.

Venons-en aux premiers parallèles pouvant être distingués durant la période moderne, formative pour les deux notions.

II. Les origines, xviexviiie siècles

1. Le mythe des origines orientales de l’Europe

Si, pour le médiévalisme, l’antériorité est anglaise, c’est à peu près l’inverse pour l’orientalisme, cultivé en France. Certes, dans les deux espaces, il existe déjà des réflexions d’érudits que l’on pourrait qualifier d’orientalistes dès le xvie siècle, touchant en particulier aux origines orientales de l’Occident. Pour mémoire, les mythes des origines orientales étaient bien vivants dès le Moyen Âge – que l’on songe par exemple aux origines troyennes dont se sont revendiqués les royaumes des îles Britanniques et de France ou le duché de Normandie. Au xvie siècle, malgré les transformations de la science historique, des origines orientales de l’Europe, notamment phéniciennes, sont encore affirmées par d’éminentes figures de l’érudition des deux côtés de la Manche, principalement en lien avec les études bibliques – qui constituent un fondement crucial des études orientales – et les controverses religieuses.

En Angleterre, ce sont de grandes figures de l’Antiquarianism qui affirment l’importance de ces origines. Or, ce sont les mêmes qui ont « inventé » le médiévalisme – je renvoie sur ce point à la première partie de mon introduction de 2019. Comme l’a montré John Ganim dans un des rares ouvrages exclusivement consacrés aux rapports entre médiévalisme et orientalisme, deux des antiquarians les plus importants, John Bale (1495-1563) et William Camden (1551-1623) se sont tous deux intéressés, dans leurs œuvres, aux origines orientales de l’Europe. Dans sa Vocacyon de 1553, John Bale est l’un des premiers à développer une généalogie alternative reliant la Bretagne au récit biblique de la fondation des peuples par les fils de Noé. Le petit-fils de ce dernier, Samophet, qui n’apparaît d’ailleurs pas dans la Bible, aurait été le chef des Celtes et ses descendants auraient apporté la « civilisation » dans les îles Britanniques. William Camden, dans sa Britannia, œuvre monumentale publiée en 1586, propose pour sa part une autre version, celle de la fondation des Gaulois puis des Bretons par un fils de Noé cette fois, Gomer.

Près d’un siècle plus tard, ce sont des Français qui insistent sur les origines orientales de l’Europe, en particulier Samuel Bochart et Pierre-Daniel Huet. Bochart (1599-1667), un protestant, démontre dans la seconde partie de sa Geographia Sacra, que les Phéniciens, identifiés aux Cananéens, sont de grands fondateurs. Quant au catholique Pierre-Daniel Huet (1630-1721), il affirme pour sa part, dans son Traité de l’origine des romans (1670) qui constitue en fait une réflexion sur la fiction en général, l’importance des origines orientales des fictions européennes, en particulier par l’intermédiaire des Arabes en Espagne. Ce traité a connu un vif succès dans toute l’Europe – il a, entre autres, été traduit en anglais dès 1672 – et a installé pour longtemps l’importance de la littérature orientale comme racine de la littérature européenne médiévale.

2. Une passion française

En France, dans la seconde moitié du xviie siècle se développe, de fait, une passion pour l’Orient – pour l’essentiel le Proche et le Moyen-Orient jusqu’en Perse. Selon Jean-François Perrin, cette passion s’articule autour de trois pôles – le contexte baroque, les récits de voyage et les travaux scientifiques de plus en plus structurés sur le plan institutionnel (on peut citer la fondation de l’école du Levant de Constantinople en 1699) (Perrin 2005). Le monument en la matière en est sans aucun doute la Bibliothèque orientale de Barthélémy d’Herbelot (1625-1695), publiée de manière posthume et préfacée par Antoine Galland en 1697, sur lequel nous reviendrons plus loin. D’Herbelot connaissait, entre autres, l’arabe, le turc, le perse et le syriaque (il obtint d’ailleurs de Colbert la chaire de syriaque au collège de France en 1692). Son œuvre, qui constitua un standard jusqu’au xixe siècle, embrasse une énorme bibliographie pour dresser le tableau, non seulement du monde arabe, mais aussi des mondes turcs et persans, notamment. Selon Edward Said :

Tout ce que la Bibliothèque orientale a fait fut de représenter l’Orient plus pleinement et plus clairement ; ce qui aurait pu être une collection floue de faits acquis de manière hasardeuse et concernant l’histoire Levantine, l’imagerie biblique, la culture islamique, les noms de lieux, etc. ont été transformés dans un panorama oriental rationnel, de A à Z. […] Ce qui est transmis par la Bibliothèque est une idée du pouvoir et de l’efficience de l’Orientalisme, qui rappelle partout au lecteur que désormais, afin d’accéder à l’Orient, il doit passer par les grilles érudites et les codes fournis par les Orientalistes (p. 65-67).

Said évoque cette évolution de l’orientalisme comme un trait qui n’est pas complètement positif mais tous les spécialistes, notamment français, ne sont pas d’accord sur les objectifs de d’Herbelot, qu’ils considèrent comme relevant d’une volonté de transmission moins dominatrice (Perrin 2005 par exemple).

Le succès de la Bibliothèque orientale au xviiie siècle n’est toutefois, en France, que l’un des aspects de l’appétence pour l’Orient à cette époque. L’autre monument majeur, incarnation d’un certain Orient arabe médiéval, est la publication, entre 1704 et 1717 de la première « traduction » (et première édition) des Mille et une Nuits par Antoine Galland (1646-1715), véritable fondateur d’une tradition du conte oriental en France (Perrin 2005). Galland était également orientaliste – il a d’ailleurs préfacé la Bibliothèque, publiée de manière posthume. En 1704, il publie le premier tome des Mille et une Nuits, adapté d’un manuscrit syriaque du xve siècle comprenant un certain nombre de contes, agrémenté par la suite de nombreux ajouts, souvent extérieurs à la tradition connue de l’œuvre, tels les contes fameux d’Aladin et de Sinbad (sur l’histoire complexe de ce corpus mouvant, voir Sermain 2009 et l’exposition virtuelle de la BnF). En réalité, il s’agit bien plus d’une recréation que d’une traduction, nécessaire pour le transfert culturel vers le public français, comme l’a souligné Jean-Paul Sermain :

Pour exalter ce qui est le propre des contes arabes, le transmettre avec le plus grand respect, il est indispensable de relier leur univers à celui du lecteur français, sur le plan littéraire comme sur le plan culturel : le transfert se justifie par les richesses importées, mais n’est rendu possible que par des valeurs partageables (p. 17).

 

La Préface du premier tome mérité d’être citée en intégralité :

Il n’est pas besoin de prévenir le lecteur sur le mérite et la beauté des Contes qui sont renfermés dans cet ouvrage. Ils portent leur recommandation avec eux : il ne faut que les lire pour demeurer d’accord qu’en ce genre on n’a rien vu de si beau jusqu’à présent dans aucune langue.

En effet, qu’y a-t-il de plus ingénieux, que d’avoir fait un corps d’une quantité prodigieuse de Contes, dont la variété est surprenante, et l’enchaînement si admirable, qu’ils semblent avoir été faits pour composer l’ample Recueil dont ceux-ci ont été tirés? Je dis l’ample Recueil, car l’original arabe, qui est intitulé Les Mille et une Nuits, a trente-six parties, et ce n’est que la traduction de la première qu’on donne aujourd’hui au public. On ignore le nom de l’auteur d’un si grand ouvrage ; mais vraisemblablement il n’est pas tout d’une main ; car comment pourra-t-on croire qu’un seul homme ait eu l’imagination assez fertile pour suffire à tant de fictions ?

Si les Contes de cette espèce sont agréables et divertissans par le merveilleux qui y règne d’ordinaire, ceux-ci doivent l’emporter en cela sur tous ceux qui ont paru, puisqu’ils sont remplis d’événemens qui surprennent et attachent l’esprit, et qui font voir de combien les Arabes surpassent les autres nations en cette sorte de composition.

Ils doivent plaire encore par les coutumes et les mœurs des Orientaux, par les cérémonies de leur religion, tant païenne que mahométane ; et ces choses y sont mieux marquées que dans les auteurs qui en ont écrit, et que dans les relations des voyageurs. Tous les Orientaux, Persans, Tartares et Indiens s’y font distinguer, et paroissent tels qu’ils sont, depuis les souverains jusqu’aux personnes de la plus basse condition. Ainsi, sans avoir essuyé la fatigue d’aller chercher ces peuples dans leurs pays, le lecteur aura ici le plaisir de les voir agir et de les entendre parler. On a pris soin de conserver leurs caractères, de ne pas s’éloigner de leurs expressions et de leurs sentimens ; et l’on ne s’est écarté du texte que quand la bienséance n’a pas permis de s’y attacher. Le traducteur se flatte que les personnes qui entendent l’arabe, et qui voudront prendre la peine de confronter l’original avec la copie, conviendront qu’il a fait voir les Arabes aux Français avec toute la circonspection que demandoit la délicatesse de notre langue et de notre temps.

Pour peu même que ceux qui liront ces Contes, soient disposés à profiter des exemples de vertu et de vice qu’ils y trouveront, ils en pourront tirer un avantage qu’on ne tire point de la lecture des autres Contes, qui sont plus propres à corrompre les mœurs qu’à les corriger.

Antoine Galland, « Préface des Mille et une Nuits », 1704, Wikisource.

On le voit, Galland insiste avant tout sur les côtés positifs de l’Orient musulman (médiéval) en affirmant, notamment, la supériorité des contes orientaux sur les contes de fées européens, également en plein développement. L’œuvre a connu un succès immédiat, comme en témoignent les quelques quatre-vingt éditions et les nombreuses imitations qui ont suivi. Au xixe siècle, elle fut également moteur pour la recherche de nouvelles éditions, y compris dans le monde musulman – la première édition « intégrale » en arabe, le corpus « Bulaq » date du premier tiers du xixe siècle (Garcin 2013).

Toutefois, malgré l’affirmation de Galland selon laquelle les Mille et une nuits étaient source d’exemplarité et de découverte d’un monde raffiné et complexe, elles ont souvent été vues comme représentatives de la soif d’exotisme et de pittoresque, dont on connaît l’ambivalence par rapport à la représentation de l’Autre. Comme l’a souligné David Vinson dans son article de 2004 :

Les Mille et une nuits, c’est l’image enjôleuse et séduisante d’un Orient de l’exotisme, du fantasme et du rêve, ne prétendant en aucune façon à l’exactitude. C’est l’image idyllique d’un Orient du plaisir, de la fantaisie, des fastes, du luxe. C’est aussi l’image d’un Orient de la sagesse et du mysticisme. L’imaginaire procède ici d’un souci affiché de distance, d’évasion et de dépaysement au sens propre du terme. C’est l’Autre, l’antithèse par excellence, que l’on cherche et que l’on trouve au prix de représentations fantasmagoriques et de reconstitutions du réel. Mais dans ses fondements, cette fascination de l’Orient s’adresse exclusivement au passé, à un passé idéal et idéalisé (p. 82).

On peut, là encore, faire un parallèle avec le Moyen Âge occidental, tout aussi ambigu. Au début du xixe siècle, l’éditeur Amboise Firmin Didot (1790-1876), affirmera ce parallèle avec force :

On pourrait trouver des rapprochements singuliers, en comparant les usages, les mœurs, les lois qui existaient autrefois en France, avec ceux que l’on remarque actuellement chez les Turcs ; car l’Orient a trop longtemps servi de modèle à l’Europe […] Comme nos nobles des temps de barbarie, ils (les Turcs) ont un profond mépris pour les arts et les sciences, n’estimant que l’oisiveté et la guerre… (Amboise Firmin Didot, Notes d’un voyage fait dans le Levant en 1816-1817, Paris, 1821, p. 75, cité par Vinson 2004, p. 73).

Par ailleurs, l’Orient des Lumières possède un autre visage, plus ténébreux, celui du despotisme, théorisé notamment par Montesquieu dans L’Esprit des lois (1748) et de plus en plus dénoncé dans la seconde moitié du xviiie comme un signe d’infériorité, de l’empire ottoman en particulier, par rapport à l’Occident. On le voit, malgré les enthousiasmes d’érudits comme Galland et ses amis, l’ambivalence reste de mise, de même que pour le Moyen Âge de cette période, incarné par le Gothic Revival (voir la seconde partie de mon introduction de 2019). De fait, comme on l’a vu avec Didot, les croisements et les interactions sont toujours d’actualité au xixe siècle, y compris au sein du romantisme, âge d’or de l’un comme de l’autre.

III. Le xixe siècle

1. Le romantisme, à la croisée du Moyen Âge et de l’Orient

On le sait, le romantisme tel qu’il se dessine au tournant des xviiie et xixe siècles regarde vers l’ailleurs dans le temps et dans l’espace, dans une méditation sur les méfaits de l’industrialisation et du « progrès » ; mais il est aussi lié à l’érudition – et nous avons vu que la double orientation, littéraire et érudite, était toujours présente à propos du médiévalisme comme de l’orientalisme. Là encore, il est frappant de constater que des figures influentes en la matière se sont à la fois intéressées au Moyen Âge et à l’Orient. C’est le cas, par exemple, de grands érudits anglais tels que Thomas Warton (1728-1790) ou Thomas Percy (1729-1811).

Warton, par exemple, a parfois été considéré comme le premier historien académique de la littérature anglaise au Trinity College d’Oxford, mais il était aussi poète à ses heures. Sur le plan historique, son œuvre majeure est son History of English Poetry (Histoire de la poésie anglaise) en trois volumes, parues entre 1774 et 1781. Or, dans cette histoire, il a en partie repris les théories du français Pierre-Daniel Huet, rencontré plus haut, sur les origines orientales de la littérature européenne, mélangeant à la fois phéniciens et arabes (Ganim 2005).

Mais on observe également un élargissement des horizons, en particulier du côté de l’Inde, comme l’a souligné Raymond Schwab en 1950. C’est en effet à la fin du xviiie siècle que les principales langues du sous-continent indien, ainsi que de grands textes, notamment philosophiques sont découverts, ce qui aurait constitué une des racines les plus profondes du romantisme :

Émergé tout à coup au xixe siècle comme un signe de séparation, le romantisme est-il lui-même autre chose qu’une éruption orientale de l’intelligence ? Son aventure n’est pas affectée à telle section du temps, c’est l’une des questions perpétuelles ; la Maison entre Orient et romantisme est moins locale ou temporaire qu’essentielle (p. 645).

Toutefois, même lui reconnaît l’existence de liens entre Orient et Moyen Âge, à propos, par exemple, du baron Ferdinand d’Eckstein (1790-1861), un des inspirateurs de Victor Hugo, et notamment des Orientales. Schwab note en effet qu’« un fait important est la combinaison des deux masses, Orient et Moyen Âge, pour permettre au romantisme d’éliminer siècle d’Auguste et siècle de Louis XIV » (p. 31). Et de fait, dans la première moitié du xixe siècle, les grands auteurs romantiques, Hugo bien sûr, mais d’autres aussi tel Chateaubriand et même, quoique de manière plus anecdotique, Walter Scott, ont associé l’Orient et le Moyen Âge dans leurs rêveries, comme le montre, on l’a vu, la préface des Orientales.

L’association entre médiévalisme et orientalisme apparaît également dans l’architecture et les arts visuels, dans un égal et commun rejet du classicisme (pour une analyse plus détaillée reliée spécifiquement au médiévalisme, voir le premier point de la seconde partie de mon introduction de 2019). Elle est incarnée dans l’œuvre de John Ruskin, au moins dans un premier temps. Rappelons que c’est lui qui a distingué, dans ses Lectures sur l’architecture (1853) : « Vous avez donc les trois périodes : le classicisme, qui s’étend jusqu’à la chute de l’empire romain ; le médiévalisme qui s’étend de cette chute à la fin du xve siècle ; et le modernisme » (cité par Alexander, p. xxvi). Mais il s’intéresse également, particulièrement dans les Pierres de Venise (Stones of Venice, 1851), à l’art oriental, notamment islamique et byzantin. Car Venise n’est pas un exemple « pur » dans la mesure où son architecture est en grande partie syncrétique. Et selon lui :

Le courant de lave des Arabes, même après que son flot a cessé, a réchauffé l’ensemble de l’air du Nord, et l’histoire de l’architecture gothique est l’histoire du raffinement et de la spiritualisation de l’œuvre du Nord sous son influence (cité par Ganim, p. 40).

Certes, Ruskin finira par revenir en partie sur cette affirmation, minimisant plus tard l’apport oriental au gothique. Mais l’on retrouve aussi une sorte de syncrétisme dans la peinture, notamment chez les préraphaélites, par exemple Dante Gabriel Rossetti (1828-1882) qui combine influences de tous ordres, comme dans la toile The Blue Bower (1865) où l’on retrouve même un instrument japonais !

 

 

 

 

 

 

Le mélange apparaît également dans de nombreuses gravures des innombrables éditions des Mille et une nuits, telles celles composées par William Harvey pour une importante édition en anglais, celle de l’orientaliste Edward Lane (1801-1876), publiée en 1840. Cet exemple, qui combine une ville orientale et un château qui ressemble plus à une forteresse occidentale, me semble parlant.

Ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres, qui montrent à quel point l’association entre ces deux Autres – dans leurs temporalités et leurs spatialités – était importante pour les romantiques.

 

 

 

2. Médiévalisme, orientalisme, impérialisme

Cela dit, on ne peut nier la concomitance entre la colonisation européenne et les développements scientifiques et culturels qui ont souvent accentué des aspects négatifs de l’Orient perçus au siècle précédent. À cet égard, l’expédition de Napoléon en Égypte menée entre 1798 et 1801 représente incontestablement un tournant. Selon Edward Said, en effet :

Pour Napoléon, l’Égypte fût un projet qui a acquis une réalité dans son esprit, et plus dans ses préparatifs pour la conquête, par des expériences appartenant au royaume des idées et des mythes tirés des textes, et non une réalité empirique Ses plans pour l’Égypte devinrent les premiers d’une longue série de rencontres européennes avec l’Orient, dans lesquelles l’expertise particulière de l’Orientaliste fût directement appliquée à un usage colonial fonctionnel (p. 80).

Et il note plus loin, à propos de la monumentale Description de l’Égypte parue en 23 volumes publiés entre 1809 et 1828 :

La Description est devenue le type maître de tous les efforts supplémentaires pour rapprocher l’Orient de l’Europe, pour l’absorber ensuite entièrement et – importance centrale – d’annuler, ou au moins de réprimer et de réduire, son étrangeté et, dans le cas de l’Islam, son hostilité (p. 87).

Toutefois, tous les orientalistes n’étaient pas forcément en accord, avec une pure entreprise de domination. C’est le cas, par exemple, de Sylvestre de Sacy (1758-1838), spécialiste de l’arabe et professeur au collège de France à partir de 1806, qui, tout en travaillant pour le gouvernement, participa de manière cruciale à la structuration des études orientales en France, dans un souci avant tout scientifique.

L’empreinte de la colonisation apparaît de manière particulièrement spectaculaire dans les grandes expositions internationales de la seconde moitié du xixe siècle et du début du xxe, conçues « pour faire étalage à la fois de leur pouvoir technologique et économique et de leurs nouvelles possessions » (Ganim 2005, p. 83 ; voir aussi Allwood 1977). Ces expositions et ces foires, à commencer par la première d’entre elles, celle du Crystal Palace de 1851 à Londres, mais aussi, par exemple, les expositions de Paris en 1889 ou en 1900, célébraient ainsi la grandeur de la Grande-Bretagne et de la France, affirmant clairement leur supériorité sur l’Orient.

La cour médiévale de Crystal Palace (1851)

Mais elles contenaient toutes des éléments « médiévaux » qui connurent un grand succès, comme le suggère par exemple la « cour médiévale » d’Augustus Pugin exposée au Crystal Palace. Dans ce gigantesque bâtiment se côtoyaient l’Orient et le Moyen Âge, à la fois proches et lointains. Mais selon John Ganim, de manière frappante :

Il était accordé au Moyen Âge une connexion directe avec la modernité, expliquant l’origine de l’identité nationale et civile, alors que l’Orient était un musée vivant du passé, séparé du développement moderne, voire exclu d’un développement potentiel (p. 87).

 

 

 

Un dernier exemple de la place du Moyen Âge dans l’affirmation de l’Occident sur l’Orient est celui de la chevalerie anglaise, dont j’avais évoqué l’importance dans la seconde partie de mon introduction de 2019. Rappelons-le, la chevalerie anglaise fait, dès la fin du xviiie siècle et au xixe, partie de l’ADN même du peuple britannique, tant sur les plans politiques que culturels. Or, au milieu du siècle, se développe l’idéal d’un renouveau de la chevalerie tournée vers l’Orient et le Graal en lien avec l’impérialisme :

Le Fardeau de l’Homme Blanc, les responsabilités et les travaux de l’Empire, autant que les fréquents revers militaires dans le maintien de l’Empire, ont trouvé un récit naturel dans le chevalier du Graal pur et souffrant, et, à partir du milieu du siècle, le Graal, purgé de ses associations catholiques, devint de plus en plus populaire en tant que modèle pour le comportement civil et militaire dans les colonies. […] Le Graal et le Croisade sont désormais unis en un modèle puissant pour l’Anglais isolé (et fréquemment le Français) à l’Est. (Ganim, p. 44).

Au début du xxe siècle encore, un homme incarne cet idéal. Il s’agit, bien sûr, de Lawrence d’Arabie, surtout connu par le film de David Lean sorti en 1962. Pour mémoire, Thomas Edward Lawrence (1888-1935), officier et diplomate, joua un rôle important dans la révolte arabe contre l’empire ottoman durant la première guerre mondiale. Il en écrivit le récit, intitulé Les Sept piliers de la sagesse et publié en 1926, qui fut un grand succès populaire et dans lequel il marquait une certaine sympathie pour les Arabes, tout en incarnant l’officier colonial. Or, selon M. D. Allen, Lawrence était littéralement imprégné de médiévalisme, tout autant que d’orientalisme impérialiste, paradigme de l’Est imaginé théorisé par Edward Said…

 

 

 

 

 

Quelques références

Allen M. D., The Mediaevalism of Lawrence of Arabia, University Park, Pennsylvannia University Press, 1991.

Allwood, John, The Great Exhibitions, Londres, Studio Vista, 1977.

Amalvi, Christian, Le goût du Moyen Âge, Paris, Plon, 1996.

Carpegna Falconieri, Tommaso di, Médiéval et militant. Penser le contemporain à travers le Moyen Âge, trad. Michèle Grévin, Paris, Publications de la Sorbonne, 2015 (traduction de Medioevo Militante. La politica di oggi alle prese con barbari e crociati, Turin, Einaudi, 2012).

D’Arcens, Louise (dir.), The Cambridge Companion to Medievalism, Cambridge, CUP, 2016.

Décobert, Christian, « Pour ne pas en finir avec les sciences orientales », dans Youssef Courbage et Manfred Kropp (dir.), Penser l’Orient, Beyrouth, Presse de l’Ifpo, p. 157-164.

Frantzen, Allen J., Desire for Origins : New Language, Old English, and Teaching the Tradition, New Brunswick et Londres, Rutgers University Press, 1990.

Ganim, John M., Medievalism and Orientalism : Three Essays on Literature, Architecture and Cultural Identity, New York, Palgrave, 2005.

Garcin, Jean-Claude, Pour une lecture historique des Mille et Une Nuits. Essai sur l’édition de Bulaq (1835), Arles, Actes Sud, 2013.

Hartman, Elwood, « Japonisme and Nineteenth-Century French Literature », Comparative Literature Studies, 18/2, 1981, p. 141-166.

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Kober, Marc, « Pourquoi l’orientalisme d’Edward W. Said n’est-il pas un japonisme ? », Sociétés et représentations, 37/1, 2014, p. 91-105.

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Leahy, Aiofe, « Ruskin and the Pre-Raphaelites in the 1850s », conférence donnée à l’université de Dublin en 2011.

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Vinson, David, « L’Orient rêvé et l’Orient réel au xixe siècle. L’univers perse et ottoman à travers les récits de voyageurs français », Revue d’histoire littéraire de la France, 104/1, 2004, p. 71-9.